À quoi ressemble le burn-out dans le cadre d’un travail qui a du sens ?

Lorsque notre travail nous tient vraiment à cœur, le burn-out, ou l’épuisement professionnel, peut s’exprimer discrètement. En effet, il peut se manifester par de la fatigue ou un brouillard cérébral. Mais il peut aussi conduire à une perte d’identité. Dr Arianna Molloy, professeure à l’Université de Biola, en Californie, et autrice de Healthy Calling, nous explique à quoi ressemble le burn-out dans le cadre d’un travail qui a du sens. Elle propose également des petites habitudes réparatrices qui aident à garder les pieds sur terre.

Intelligent Labs a à cœur d’aider les personnes qui s’investissent dans leur travail à rester en bonne santé et à garder l’équilibre. Que ce soit en améliorant la qualité du sommeil, en renforçant la concentration ou en gérant le stress, nous croyons que des petits pas (et les bons nutriments) peuvent vraiment faire la différence.

Découvrez l’interview intégrale du Dr Molloy !

1. Le burn-out n’est pas toujours évident à déceler, en particulier quand notre travail nous tient à cœur. À quoi ressemble le burn-out ? Quels sont les signes mentaux, émotionnels ou physiques qui indiquent qu’une personne est épuisée professionnellement ?

Tout d’abord, commençons par définir ce qu’est le burn-out. Le burn-out est un épuisement physique, psychologique, émotionnel et spirituel, généralement provoqué par un stress prolongé. Les effets du burn-out sont multiples et complexes. Lorsqu’il fait surface dans le cadre d’un travail qui nous tient particulièrement à cœur, le burn-out passe du sentiment de « je n’aime plus ce que je fais » au sentiment de « je ne sais plus qui je suis ».

Parmi les signes d’un épuisement professionnel général, notons la paralysie psychologique, la dépression, l’anxiété, une augmentation des arrêts maladie, une baisse de la motivation et la honte. Si notre travail est une vocation, ces signes peuvent être associés à ce que les scientifiques appellent « une honte profonde ». Celle-ci se traduit par une dissociation avec le but de la vie, associée à un burn-out spirituel et relationnel.

2. Comment le fait d’être profondément investi dans son travail augmente-t-il le risque d’épuisement professionnel ?

La recherche montre que les personnes qui considèrent leur travail comme une vocation sont plus motivées et globalement plus satisfaites que leurs pairs. Par ailleurs, elles sont résilientes et font mieux face aux évolutions économiques et aux changements organisationnels. Elles sont également des acteurs majeurs d’un climat de travail sain et positif. Elles sont davantage enclines à s’accrocher quand la situation devient difficile, et ce sont les premières à montrer l’exemple aux autres en faisant preuve de persévérance et de passion pour le travail qu’elles accomplissent.

Pourquoi le risque de burn-out est-il plus élevé lorsqu’on se sent pleinement investi d’une mission ? Les données mettent également en évidence le côté sombre de cet état d’esprit. Lorsque le travail a un sens profond, qu’il s’accompagne d’une sorte de responsabilité sacrée, qu’il offre des possibilités de mettre en œuvre ses passions et ses compétences et qu’il donne le sentiment d’avoir un impact positif sur les autres…, il est beaucoup plus difficile de dire non. En réalité, plus que tout autre groupe de pairs au travail, ceux qui se sentent investis d’une mission sont les plus enclins au travail compulsif, à l’idolâtrie du travail, à la manipulation organisationnelle et, en fin de compte, à l’épuisement professionnel.

3. Qu’aimeriez-vous que les personnes qui sont très investies dans leur travail comprennent au sujet du burn-out ? Y a-t-il des idées reçues que vous essayez constamment de détruire ?

Il faut garder à l’esprit que le burn-out n’est pas une catégorie en soi. C’est l’une des premières idées reçues. Au lieu de se dire « je fais un burn-out » ou « je ne fais pas de burn-out », demandons-nous plutôt : « À quel niveau suis-je sur l’échelle du burn-out ? ».

Si vous devez tracer une ligne dont l’une des extrémités est « travail sain et utile » et l’autre « épuisement professionnel », où vous situez-vous aujourd’hui ? Essayez de trouver un moment chaque semaine pour vous poser cette question et faire les ajustements nécessaires avant que les effets ne prennent le dessus.

4. Quand une personne se sent épuisée émotionnellement mais est néanmoins investie dans son travail, de quels moyens dispose-t-elle pour se ressourcer et se sentir à nouveau elle-même ? Selon vous, des facteurs comme le repos, l’activité et la nutrition sont-ils bénéfiques ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, nous ne sommes pas des machines. Les diverses approches comme « conduire la voiture jusqu’à ce que le réservoir soit à 99% vide » ou « s’arrêter immédiatement faire le plein dès que le réservoir est à un quart vide » ne fonctionnent pas pour nous.

Notre corps nous parle. Il ne s’agit pas de le laisser nous diriger, mais il ne faut pas l’ignorer non plus. Parfois un handicap physique, une blessure, l’âge ou des contraintes sociales ne nous permettent pas de choisir ce que notre corps peut faire. Néanmoins, quand cela est possible, nous devrions nous efforcer de vivre une vie intégrative. Cela implique d’être attentif à ce qu’il se passe dans notre sphère physique et reconnaître que nos états mentaux, émotionnels et spirituels sont également profondément connectés à notre état physique.

Une façon de mettre cela en pratique est d’instaurer des temps de repos hebdomadaires dédiés. Il est difficile de prendre du recul quand on sait qu’il est possible de mieux faire. Pourtant, c’est en prenant du recul que l’on change de perspective. Ces temps de repos volontaires nous permettent de nous réorienter et de garder notre fraîcheur, ce qui a un impact positif sur notre travail. Le repos physique peut consister à faire une sieste sur le canapé, à se promener dans la nature, à ajouter un peu de jeu créatif à notre journée ou à cuisiner un nouveau repas sain.

Si nous sentons que nous manquons de temps, nous pouvons toujours choisir de consacrer un jour par semaine au repos mental, émotionnel et spirituel. Essayez de mettre de côté vos préoccupations habituelles, les décisions stratégiques professionnelles et même les objectifs que vous essayez d’atteindre. Le temps d’une journée, mettez tout cela de côté et vivez le moment présent.

5. Quelles petites habitudes quotidiennes peuvent aider les personnes à garder les pieds sur terre et à éviter le burn-out selon vous ? Il peut s’agir d’outils d’aide à la réflexion, de routines physiques ou même de compléments alimentaires.

Il existe de nombreuses options pouvant être facilement incorporées à notre vie de tous les jours. Les micro-pauses et les moments de marge sont deux pratiques que je mets actuellement en œuvre.

Des chercheurs en sciences sociales suggèrent que 10 à 15 minutes par jour loin des écrans équivaut à une sieste de réorientation. Ces micro-pauses peuvent être une courte promenade, écouter de la musique ou un podcast, lire un livre (sans écran), s’asseoir dans la nature ou parler à un.e ami.e. Essayez d’en programmer une entre le petit-déjeuner et le déjeuner, puis une autre l’après-midi.

D’autre part, identifier des moments de marge au cours de notre journée est essentiel pour se ressourcer émotionnellement et mentalement. Par exemple, les 30 premières minutes de la journée, je fais le choix conscient de ne pas regarder mon téléphone. Je n’appuie sur aucun des points rouges (e-mails, textos, notifications des médias sociaux) et je ne lis aucun contenu sur mon téléphone. Je choisis également de ne pas regarder mon téléphone si je sais que j’aurai moins de 10 minutes d’attente entre deux réunions.

L’utilisation de ces moments de marge a été une pratique à la fois stimulante et gratifiante. Ces nouvelles habitudes peuvent sembler inconfortables. Ce n’est pas facile mais cela en vaut vraiment la peine !

6. Qu’est-ce que les dirigeants ou les managers pourraient faire pour mieux soutenir les personnes qui sont peut-être en train de s’épuiser discrètement ?

Les grands leaders considèrent que la communication saine est bien plus qu’un outil, elle est un mode de vie. Nous pouvons découvrir beaucoup de choses sur ce qui se passe dans le cœur et l’esprit des autres en étant attentifs à la façon dont ils parlent, à ce qu’ils disent et à comment ils le disent.

Communiquer équivaut à contrôler le pouls. Les grands leaders sont attentifs à la façon dont les autres s’expriment en lien avec le travail, la vie et le burn-out. Ils créent des rendez-vous réguliers pour poser des questions qui incitent les autres à s’exprimer librement, à proposer différentes idées et à clarifier les choses.

Les grands leaders s’efforcent également de fixer des limites saines et d’honorer les diverses capacités de travail de leur équipe. Ils trouvent le temps d’offrir un retour d’informations qui aide les autres à se sentir soutenus et à bien comprendre leur rôle.

7. Quelle est la chose que vous souhaiteriez que l’on dise plus souvent à propos du burn-out ?

La poursuite d’un travail sain, qui a du sens, est un processus continu. Ce n’est pas une expérience ponctuelle. C’est un processus dynamique, qui évolue dans le temps. Cela est en partie lié à la qualité relationnelle du travail utile – nous voyons et ressentons l’impact de ce travail sur les autres.

Il y a sans aucun doute des périodes où l’on doit travailler plus dur. Mais assurez-vous que cela ne devienne pas la règle. L’un des meilleurs moyens de maintenir le burn-out à l’écart est de prendre des temps de pause ou de repos réguliers.

Le repos et le travail sont indissociables. Pour bien travailler, il est également nécessaire de bien se reposer. Cela implique de savoir ce qui nous repose vraiment. Pour certains, le repos consiste à ralentir physiquement, à s’adonner à la contemplation (promenade tranquille dans la nature, yoga, massage). Pour d’autres, c’est jouer ou être créatif (peindre, une journée à la plage, un cours de danse).

Il n’y a pas de recette universelle du repos. Prenez le temps d’explorer ce qui vous repose le mieux et considérez le repos comme un élément essentiel d’un travail durable.

Certains extraits sont tirés du livre d'Arianna Molloy, Healthy Calling : From Toxic Burnout to Sustainable Work.

Pour plus d'informations, visitez : ariannamolloy.com.

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